Dschang : le seul arrondissement abritant l’unique université d’une Région au Cameroun.

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  • Rédigé Par MenouActu    


  • Mis a jour 19/05/20 à 6:58

Benjamin Zebaze fils des Johnny Baleng par Bafou dans la Menoua, retrace l'histoire de l'ancienne capitale de la région de l'ouest par ailleurs la seule ville qui abrite une université en dehors des chefs-lieux des capitales régionales.


1- La capitale du « pays bamiléké », selon le « colon » français


La ville universitaire de Dschang a été l’une des villes les plus appréciées des « colons » Allemands et Français (Même si administrativement, le Cameroun n’a jamais été une colonie française).


Enfant, mon père me montrait, vers Djuitsitsa, sur les hauteurs de la Menoua, la résidence secondaire du représentant de l’Allemagne au Cameroun. Qu’est devenue cette demeure ?


C’est  vers 1920 que le colon français décide de faire de la ville de Dschang, la « capitale » de ce qu’on appelait alors, « le pays bamiléké ».


Après l’indépendance, la classe dirigeante bamiléké autour d’Ahmadou Ahidjo va se liguer contre cet état de choses au point où ce dernier transfère cette capitale à Bafoussam, sous prétexte que cette ville se trouve au centre de la province.


Ce n’est pas un argument. Bertoua est-elle au centre de la Région ? Mon avis est qu’à l’époque, Dschang ne pèse pas grand-chose sur le plan politique par rapport à la grande Mifi (Kame Samuel), le Ndé (Kwayeb, Ketcha…). Ces derniers doivent souffrir d’un complexe né du fait que toute l’élite de l’Ouest devait  se rendre à Dschang, à pieds, pour passer le Cepe.


Mon père faisant l’inverse, toujours à pieds, pour aller à l’école à Mboo, dans la grande Mifi: une autre époque.


2- Au départ le CNA.


Nos parents n’ont jamais digéré ce transfert, d’autant plus que du jour au lendemain, de nombreuses infrastructures ont du quitter la ville pour Bafoussam, laissant un vide énorme.


Je revois mon père très triste, lorsque désormais, il devait aller attendre, en provenance de Bafoussam, l’arrivée de « Monsieur l’Inspecteur fédéral » (ancêtre du gouverneur actuel) Gilbert Andzé Tsoungui, qui a longtemps été ministre de l’Administration Territoriale de Paul Biya, avec qui je me suis longtemps bagarré, avec mes confrères, au sujet de la liberté de la presse.


Heureusement, dans la ville, nombreux sont ceux qui ne se découragent pas et veulent que leur ville ne meure pas. C’est le cas du député Fondjo, le père du célèbre « Didi », bien connu dans la ville, qui va se battre pour le rayonnement du Centre National d’Agriculture (CNA) qui forme des techniciens agricoles.


3- Tentative de transfert du Cna à Mbouda : la fermeté d’Ahmadou Ahidjo


Lorsque Ahmadou Ahidjo décide le transfert de la « capitale » à Bafoussam, il fait une promesse aux populations : le Cna et le Creps (Centre régional d’éducation physique et sportive) aujourd’hui Cenajes, ne quitteront pas la ville.


C’était sans compter sur le pouvoir des adversaires de la ville de Dschang qui ont un nouveau projet : transférer le CNA à Mbouda, sous prétexte qu’il y a plus de terrains agricoles.


La rumeur enfle au point de devenir assourdissante : mon oncle Paul Panka, jeune pharmacien qui vient de racheter l'unique  pharmacie de la ville à un français, décide d’aller rencontrer à Yaoundé son frère Clément Langué, directeur de Cabinet du président de la République Ahmadou Ahidjo.


Clément Langué va alors expliquer à son patron l’inquiétude des populations de la ville de Dschang. La réponse d’Ahidjo est ferme : j’avais promis que le CNA et le CREPS ne quitteront pas Dschang. Ils ne quitteront pas.


4- Du Cna à l’Université : le rôle des « parlementaires » de l’Université de Yaoundé


Et il va aller plus loin : l’ITA (l’institut des techniques agricoles) va y voir le jour. Plus tard, l’Ensa, qui forme les ingénieurs agricoles, va compléter le dispositif.


L’argent commence à couler dans la ville, d’autant plus que de étudiants ont des bourses qui atteignent les 45 000 Francs Cfa à l’époque, ce qui est une somme folle entre 1970 et 80.

Paul Biya arrive au pouvoir en 1982. 10 années plus tard, il est confronté à l’une des plus violentes grèves que l’unique université du Cameroun à Yaoundé a connue.


Incapable de ramener le calme face à des « parlementaires » (groupe de grévistes) déchainés, ses stratèges pensent qu’il est urgent de décentraliser cette université.

Dschang (ayant déjà des structures adéquates), N’Gaoundéré et Buéa deviennent des universités à part entière.


5- Tentative du transfert total ou partiel de l’université de Dschang à Bandjoun : la rencontre décisive avec le premier ministre Achidi Aschu


Mais à l’Ouest, les adversaires de la ville de Dschang n’ont pas dit leur dernier mot. Leur dernière trouvaille ? Transférer, au moins le Rectorat, à Bandjoun où un homme d’affaires a construit un établissement et l’a « offert » par la suite au gouvernement.


Cette fois, l’élite de la Menoua est ulcérée par le comportement de gens qui croient que l’argent peut tout, au détriment de l’intérêt du plus grand nombre.


Paul Panka, qui n’est plus maire de la ville, organise une grande rencontre entre toutes les personnalités du département : réussissant l’exploit de mettre autour de la même table, le très populaire Etienne Sonkin, lui aussi ex maire Sdf, et les cadres du Rdpc qui se livrent pourtant une guerre sans merci dans l’arrondissement..


Il est décidé de ne pas se laisser faire cette fois. Une délégation est formée pour aller à la rencontre du premier ministre d’alors, Simon Achidi Achu.


Ce dernier confirme qu’il n’est pas dans l’intention du gouvernement de transférer l’université de Dschang à Bandjoun


6- Que font l'Union soviétique et les Usa à Dschang ?

Qui nous expliquera pourquoi les soviétiques et le Américains se sont succédés au Centre universitaire de Dschang ?


Adolescent, il y a des moments où il n’y avait que des américains autour dudit centre; à d’autres moments, des soviétiques. Je n’en souviens parce qu’ils étaient tous clients de la Camair, dont ma mère était la responsable d’agence.


C’est amusant de constater que les traces de ce passage sont visibles sur place : à l’entrée de l’université, 300 m environ sur la gauche, vous avez les bâtiments coloniaux qui abritaient l’internat du Cna.


Face au terrain de basket, un gros bâtiment qui servait de garages aux Russes qui y dépannaient leurs fragiles Lada et Volga. Sur les hauteurs, à droite, des bâtiments soviétiques et à gauche,ceux construit par les américains.


Entre le bas de la colline et le haut, d’ hideuses bâtisses construites sous l’ère Biya, qui donne l’impression qu’architectes et techniciens étaient saouls et drogués au moment de leur construction.


Source: Benjamin Zebaze.

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