PEUPLEMENT ET ORGANISATION TERRITORIALE DES VILLAGES BAMILEKE

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  • Rédigé Par MenouActu    


  • Mis a jour 10/08/20 à 15:29

Il existe cinq sous-groupes dialectaux bamiléké: le Ghom'a-lah (grande Mifi); le Medumba (département du Ndé); le Fè-fèè (Haut-Nkam); le Yemba (Menoua) et le Ngombaa (Bamboutos).


Ces cinq sous-groupes sont cependant divisés en chefferie tel que nous allons vous présenter.

* Les chefferies supérieures du HAUT NKAM : Arrondissement de BAFANG

BANKA (Nka') signifie Lumière, la lumière qui éclaire les gens, qui permet aux gens de voir.

BAFANG (Fa') vient de mfat (frère) et fut mal compris par le colon. Donc Fa' signifie frère (poomaa). Le 1er roi de bafang s’appelait DJATCHOUA (1645-1685), NGANJUI Gaston, le 11 ème et depuis 1962 KAMGA NGANJUI RENE, le 12ème.

BANFELOUK (Mvilooh) Vhi est un quartier du village Bafang. Les Vhi et les Bafang se livraient habituellement les guerres, jusqu´à ce que les Vhi capitulèrent et devinrent esclaves des Bafang. Un enfant du chef Vhi le nommé Nga'bi n´a pas voulu accepter ce statut et s´est dirigé vers Lok où il devint chef. Lok veut dire endroit plein de pierres et les gens qui y vivaient étaient solide comme le fer. C´est ainsi que l´on les a appelé les Mvilok (les Vhi qui sont partis s´installer sur les pierres et sont solides et durs comme la pierre et le fer.

BANA (Nee) Bana en fe´efe´e veut dire Nee qui signifie insister, harcèlement, poursuivre, quand ils ont besoin de quelque chose.

BATCHA En Bamiléké Batcha (Tcha') veut dire terre ou visiter. Tcha' était une terre fertile. On y rencontrait beaucoup de gibier et les gens aimaient s´y rendre pour visiter et s´approvisionner.

BANDJA (Ndjeu), Le village Fondjomekwet fait partie de Bandja. situé à l’est de l’arrondissement, le groupement que dirige le Chef KAMGA David, compte quelques 10.000 habitants, et les principales Sous-Chefferies sont : LA’ACHEU DJIFO, DEUMCHANG, TOULA, BAKOUOCHA. Le Café robusta et le Cacao sont les principales cultures industrielles de cette localité

BABOUANTOU

Autres villages du HAUT NKAM : Foutouni, Fondjomekwet, Fondat, Mbeobo, Folentcha, Babouantou, Foyemtcha, Fongoli, Badounka, Babouate, Balembo, Fondjomeko, Baboutcha Nitcheu, Fonkouankem, Bafenko, Bapoungue, Fombele, Kekem, Fonti, Babone, Bassap, Fontsi, Bakassa, Bakondji, Baboutcha Ngaleu, Badoum Kassa, Fomessa I, Bakou Fotsinga, Fondjati, Bamako, Bankambe, Fopouanga, Baboutcha Fongam, Balouk.

Chefferies supérieures ou principaux groupements NDE

BANGANTE Banganté en Bamileké Magha (je refuse) Gha'ntua' qui refuse de se soumettre.

BANGOUA Comme Batoufam il fut fondé par un chasseur venu de Badrefam. Il est aussi peuplé des gens venus de Fongo-Tongo et de Badoundja (quartier Mvú).

BAMENA En Bamiléke Meno ou Meneu, fut fondé par un chasseur venu de Baloum( dans la Menoua).

BANGOULAP En bamiléké Ngoulap, est une fille de la chefferie de Bangou.

Autres villages de la NDE

Batchingou, Balengou, Bangang Fokam, Bazou, Bakong, Bahouoc, Bassamba, Badounga, Maha, Bagnou.

Chefferies supérieures MIFI ou principaux groupements de BAFOUSSAM

BANDJOUN En bamiléké Djo signifie acheter ou acheteur. Ce nom tire son origine de son fondateur qui achetait tout (vivres et esclaves) pour enrichir son peuple.

BANGOU Le vrai nom de ce village tel que ses habitants et ses voisins l’appellent, est Niep.

BAYANGAM (Yonguem) qui a vu les sauterelles les premiers.

BAHAM (homme qui presse) et BAWANG (wang) sont des chefferies sœurs.

BAMENDJOU (Mendjo) Petit Ndjo a été appelé ainsi par un prince Baham.

BATIE' Te' : bousculer, pousser : ce groupement est appelé ainsi à cause de ses guerres avec les voisins.

BAFOUSSAM.

Bafoussam-ville, fondé en 1926, Bafoussam-village, en bamaliké fù'sap (fù'sâ) -trésor de la tranchée. La terre à côté de la tranchée qui séparait Bamun et Bafoussam actuel était très riche. On appela cette terre, fù 'sap. Les premiers habitants sont venus de Bamun (précisément de la plaine Tikar) comme les Baleng dont ils sont frères.

BAMOUGOUM

A l’origine, ce sont quatre frères de même père qui se sont partagé le terrain. L'un prit une part qui est l’actuel Bameka, l’autre prit une autre part qui est l’actuelle chefferie de Bansoa, le troisième prit une part qui est l'actuelle chefferie de Bamendjou, et le quatrième prit la part qu’il nomma " Bamougoum “.

BAMEKA Meka : Enfant de Ka (car le premier chef s’appelait Ka) qui se promène. Ceux qui sepromènent.

BALENGSAM En Bamiléké (Leng sap) - le viseur ou le fort,

Autres villages de la MIFI, du KOUNG KHI et des hauts plateaux :

Badeng, Bapi, Baleng et Bangang Fondji, Batoufam, Bandrefam.Bameka, Bangam, Bapa, Boandenkop, Bahouan.

Chefferies supérieues de la MENOUA

DSCHANG Le grand chef de ce village s´appelait Leke'ane Fo, chef Leké'= abréviation de Leke´ane Le nom du village s´appelle : ATSAN. Prononciation originale FOLEKE'ATSAN c´est á dire le chef LEKE de ATSAN, on avait prononcé Foleke'atsan et l´européen allemand a entendu FOREKE-DSCHANG

BALOUM Loum en bamiléké veut dire colique, maux de ventre. Le premier chef de ce groupement vint de Dschang. Les baloum sont reputés pour leur extravagance leur esprit de corps. (Quand l´un d´eux est attaqué au marché, c´est tous qui courent à son secours).

BAMENDOU En bamileké Mendou signifie faiblesse, maigreur. Les gens de ce village venus de Bagam sont appelés ainsi parce qu´ils passaient tout leur temps à danser ce qui était considéré comme l’occupation des paresseux et des faibles. Bien que Foladin fut le premier habitant de Bamendou, c´est son serviteur Ka'tsie un habile chasseur qui fonda le village.

BALESSING Lessing : qui a peur,qui tremble. Le fondateur de ce village un chasseur venu de Bagam reussit par ses ruses à conquérir beaucoup de terre. Les différents chefs : Tetapoua-(Foyonta)- Youta- Tegouatioc- Ngouana -Tiognin.

Les Balessing sont de même famille que les Bamendou, les batouni et les bagam. Un proverbe Bamileké dit : " Quand un Balessing part, vous croyez qu´il rentre. "

BANSOA En bamileke, Sâ veut dire Sorcellerie, magie. Au départ la population était tres têtue et pratiquait la sorcellerie grâce à laquelle elle était difficilement vaincue.

Autres villages de la MENOUA

Baleveng, Bafou, Fokoue, Fomopea, Fotomena, Fontsa-Toula, Santchou, Fombap, Fondemera, Foreke, Fossong Wetcheng, Fotetsa, Fongo Ndeng, Foto, Foto Tongo, Fossong Elelem

Chefferies supérieurs ou principaux groupements BAMBOUTOS

BANGANG (qui aime la vérité) Bangang est un important groupement du département de Bamboutos. IL donna naissance à quatre chefferies traditionnelles : Balessing, Batcham, Balatchuet, et Bamunoh.

BATCHAM veut dire " Hospitalier ", souvent pendant des guerres des gens allaient se réfugier à Batcham.

BABADJOU (dans le Bamboutos) Babadjou signifie conquis par les armes.

BAGAM En Bamiléké (Gang) -ngan (nie) (antilope) est un animal de chez nous.

BAMISSINGUE - veut dire élastique. Ce village a été fondé par Fombu'ngong auquel ont succédé Folamawa, Fotoumatset, Fokelenkou, Konlak1.

BAMETE (dans le Bamboutos) pà tùie' ngo' kà tso' "ceux qui soulévent une pierre inamovible". Ils sont avec les Bamendjinda, Bamenkombou, Bafounda, Bam endjo bamesso des enfants d’une même mère. D' après la légende, ils rencontrèrent un jour une grosse pierre qu’ils s'efforcèrent les uns après les autres de soulever et de déplacer. Les Bamete furent les seuls á soulever et à déplacer la pierre.

BAMENKOMBOU Les Bmenkombou ne furent pas assez intelligents pour comprendre les ruses de Bamendjinda. D' où leur nom de Menkombou. Frère des chefs Bamesso et Bamete, il vint de la plaine de Ndop.

BAMESSO So' signifie instable.

Autres villages BAMBOUTOS:

Balatchi, Bamougong, Bafounda, Bamendjo, Bamen Njinda, Bamenyam, Bati, Bamendjing.

II. ORGANISATION TERRITORIALE

Dans une chefferie, on peut dénombrer une centaine de sociétés qui peuvent être réparties en deux ensembles : Les sociétés politico-administratives. Exemple : le conseil des neufs (M’kamvù), les sociétés guerrières ( Madjoung , les Kù’ gaing ) Les sociétés magico-religieuses . Exemple : le conseil des sept (Mkamsombeù). Les sociétés totémiques ; les Ku’gaing, police secrète en relation avec les forces invisibles de la nature. Les principaux rôles de ces sociétés sont de : Sécuriser l’individu en le protégeant par des pratiques guerrières et/ou magico-religieuses, Assurer la promotion de l’individu; Permettre aux chefs de bien diriger leurs populations. Tout individu peut avoir accès aux sociétés secrètes, soit par succession, soit par mérite. Ainsi répartie, on peut étudier ses différents acteurs en deux grandes parties : organisation socio-politique et juridique, et organisation socio-économique.

A-ORGANISATION SOCIO-POLITIQUE

Dans cette partie, nous nous attellerons à présenter d’une part les principales autorités politiques de la société bamilékés, suivies de leurs rôles respectifs dans la société. Car La société bamiléké est régie par le principe hiérarchique. En effet, c’est dans la hiérarchie naturelle que se trouve la source principale des institutions bamiléké. Cette société est subdivisée en groupements dans lesquels se retrouvent les quartiers et sous quartiers, les chefferies et sous chefferies; tout ceci selon un ordre précis et bien défini, dans lequel chacun a son rôle à jouer et reste à sa place sans toutefois s’interférer dans celui de son voisin. Quel est donc l’autorité suprême du grand ouest ! Quel est son rôle ! Qui sont ceux qui le secondent et l’assistent dans sa lourde tâche de veiller au bon fonctionnement de son territoire et du peuple.

1. ORGANISATION SOCIO- POLITIQUE

Ici, nous nous attarderons dans la présentation des autorités administratives et politiques du village, ceux-là qui veillent à la protection de la société bamiléké.

- Le Chef ou Roi « fo » ou « feu »

Il détient son statut exceptionnel du fait qu’il représente le fondateur de la chefferie dont il perpétue la personne. Dans les temps anciens, le chef d’un village détenait le pouvoir religieux et administratif. Il était même considéré comme un dieu du village, et à ce titre, il importait qu’on l’entoure d’un mythe d’immortalité. Il n’était pas permis de dire qu’un chef est mort mais plutôt qu’il s’est transformé.

Le chef détient son pouvoir des ancêtres, par conséquent, il n’a de compte à rendre à personne, sinon à eux. Il n’est ni accusé, ni jugé, et tous ceux qui tentent d’agir autrement sont bannis ; il est le garant de l’indépendance et de l’intégrité du village qu’il considère comme sa propriété privée ; il est principal prêtre du culte des ancêtres. Toutefois, il ne peut procéder lui-même aux sacrifices (offrande d’huile de palme et de sang de chèvres), tout comme ses fils. Il exerce cette fonction par l’intermédiaire des prêtres comme le « Wala ka », ou des membres de la confrérie des « Kougan ».

Le chef est le maître des associations à caractère religieux et singulièrement du « Kougan » dont il préside les assises, il intervient pour régler le rythme des saisons. Il est le chef de guerre, même s’il ne dirige pas personnellement les opérations ; il intronise les héritiers des sous chefs et des notables, il est le juge suprême du groupement et le protecteur de tous les habitants du village ; il veille sur le patrimoine du groupement : objets de culte, terres, biens sans maître.

Le chef peut, sans toucher aux traditions ancestrales, prendre des mesures propres à renforcer les coutumes. Il peut ainsi prendre soit des mesures d’ordre général, soit des mesures prohibitives, des interdits ; il peut créer des nouvelles institutions, prendre des mesures individuelles comme le retrait du commandement, l’octroi d’un titre de noblesse à l’occasion de son intronisation, ou en reconnaissance des services rendus à lui ou au village.

En raison de sa situation privilégiée, le chef a droit au respect et au dévouement de ses sujets (prestation en nature comme les constructions des cases de la chefferie et en espèces, pour les membres des différentes sociétés coutumières).

Le chef bamiléké n’est pas un homme-orchestre mais plutôt un chef d’orchestre, cela veut dire que ce n’est pas lui qui fait tout, mais que c’est lui qui fait faire tout : cela veut dire aussi qu’il ne décide pas de tout, mais que rien dans son groupement ne doit se faire sans lui, malgré lui, et encore moins contre lui. Cela veut dire enfin que les décisions qu’il prend ne sont pas et ne doivent pas être des diktats reflétant les caprices d’un homme seul, mais plutôt les résultats des délibérations des différentes structures de régulation qui l’entourent. Pour ce qui est de sa désignation, nous en saurons davantage dans la partie réservée aux rites et pratiques mystiques bamiléké.

En un mot, le chef bamiléké détient plusieurs types de pouvoirs :

Ø Le pouvoir économique qui est la base matérielle de tous les autres : le chef est le propriétaire éminent de la terre, unique moyen de production

Ø Le pouvoir magico religieux en ce qu’il est le plus grand prêtre magicien de toute la chefferie ; ses « pi » dits totems sont plus nombreux et plus puissants que ceux de tous ses sujets ; il les utilise pour protéger son territoire et son peuple.

Ø Le pouvoir politique et administratif, en ce qu’il découpe le territoire en quartiers et nomme à leur tête des chefs de quartiers à qui il délègue une partie de ses pouvoirs ; il nomme et révoque aux diverses fonctions dans le gouvernement central ; il crée les sociétés coutumières destinées à l’aider et à le contrôler dans l’exercice de ses tâches, suit de près leur recrutement qui se fait par le culte du mérite et préside les réunions. La population lui paie en travail et en nature un impôt dont la périodicité et le montant ne sont pas fixés, mais dépendent des besoins du chef et de l’esprit de compétition des contribuables. Parmi les procédés qu’il utilise pour s’assurer le contrôle de la vie politique, deux (2) sont originaux et méritent d’être cités :

· L’échange de femmes avec les personnages influents de la chefferie : il leur donne ses filles et en retour épouse les leurs ;

· Le renouvellement systématique de la noblesse : avant de mourir, chaque chef désigne parmi ses enfants en même temps que son successeur, un nouveau « miaffo », un nouveau « saa », etc. pour l’assister, et ce sont là des personnages très influents de l’état. En outre, la coutume de distribuer continuellement les titres de noblesses à ceux qui les demandent, les méritent et sont capables de les payer, permet au nouveau chef de s’affranchir très vite de la tutelle de la noblesse laissée par son père pour s’appuyer sur celle créée par lui-même.

Ø Le pouvoir judiciaire : le chef est juge suprême de la chefferie, il juge sans appel les causes graves que lui ont transmises les tribunaux de quartier. En effet, le chef délègue aux chefs de quartier le pouvoir de juger les petites affaires chacun dans le territoire qui relève de sa compétence. C’est ainsi qu’on récence 4 degrés de juridiction ;

· La juridiction du chef de famille ou échelon de base

· La juridiction du chef de quartier ou juridiction du 1er degré à charge d’appel ;

· La juridiction du Wala au nom du chef : il statut en premier et dernier ressort ;

· La juridiction du chef qui est aussi une juridiction d’appel pour les affaires tranchées par les juridictions des chefs de quartier ou juridiction des notables

Ø Le pouvoir militaire : après consultation des « mékemlevou’o » ou conseil des neuf, le chef déclare la guerre ou conclut la paix. Il n’existe pas d’armée permanente, en cas de guerre, toute la population mâle est mobilisée dans le cadre des « mendzong » ou sociétés de classe d’âge. Le chef ne participe pas directement au combat, mais il participe à l’élaboration de la stratégie à suivre ; il s’assied derrière le front et les combattants viennent lui monter leurs trophées, notamment les têtes coupées pour être récompensés après le rétablissement de la paix.

Ne pouvant avoir la mainmise sur l’ensemble de leur territoire, ils nommaient des notables qui les remplaçaient dans les différents quartiers du village. Ce sont donc particulièrement dans le cas de Bamena:

Ø Les neuf notables ou M’kamvù: tous des princes à qui a été attribués un fief dont ils ont maîtres. Ces notables ont au-dessus d’eux un super conseil des notables appelés les « nkepsoba » (les sept notables).

Ø Les sept notables ou Mkamsombeù: qui constitue et forme le haut conseil du village, il est vrai qu’ils ont un domaine territorial sur lequel ils exercent un pouvoir, qui est beaucoup plus mystique que visible.

Le roi est entouré aussi d’agents exécutifs notamment : les Waladjé (sorte d’agent public) les Wala- ntsa’à (sorte de messager et protocole), ainsi que les serviteurs dont le chef de fil est un Defeu, suivi de Tabeu, etc....

Justice traditionnelle : La justice traditionnelle a pu être rendue au moyen de la torture ou de Ngwe (potion médicamenteuse à effet et pouvoir surnaturels ou maléfiques contre les malfaiteurs), ou encore au moyen du versement de vin de raphia sur un tombeau en proposant une sanction en cas de mensonge ou de culpabilité. Autrefois, l’animal de vérité en cas de Ngwe était la tortue. Après les déclarations d’innocence jurées par les parties en présence, celle - ci se dirigeait vers le menteur et sa culpabilité était ainsi consommée.

2. L’ENTOURAGE FAMILIAL DU CHEF (ETAT-MAJOR)

Simultanément ou consécutivement et à l’initiation du chef, certaines dignités sont conférés à quelques-uns de ses plus proches parents et de ses épouses

Ø Le kuipou

Il est adjoint du chef, et est en principe le second personnage de la chefferie, d’ailleurs désigné et initié en même temps que le chef et toujours choisi parmi ses frères consanguins. Les attributions disparaissent avec la mort du chef. Ce titre est hérité et les noms des chefs de quartiers relèvent qu’ils sont souvent les descendants des kuipou des chefs décédés.

Ø La « Mafoou » ou « Mefeu »

C’est le titre donné à la mère du chef (qui est une épouse du chef défunt) ou à son héritière (qui se trouve ainsi être une des sœurs du nouveau chef). Ce titre est toujours accompagné d’un complément, le nom propre de la personne en question car on ne naît pas « Mafo ». Il vaut à une femme la possession de terrains particuliers, le droit de choisir son mari avec qui elle ne cohabite pas. Elle a sa concession à part et y reçoit ses visiteurs. Son mari ne vient qu’en visite privée dans sa concession, d’où l’adage : « la mafo n’est la femme de personne… ses enfants n’appartiennent qu’au mari ».

Elle bénéficie entre autre d’un statut quasi masculin, et, en l’absence du chef, il est arrivé que le commandement de la chefferie ait été effectivement exercé par une mafo autoritaire.

Ø Le « souop » et les princes et princesses

Le titre de « souop » est réservé au premier enfant du chef né avant l’initiation. Les deux premiers nés après l’initiation reçoivent les noms de « Toukam » et « Pouokam » et le titre de « beuh » lorsqu’ils sont adultes, ou de « Mafo » si ce sont des filles.

Le « souop » est l’objet d’une considération particulière ; il est membre de sociétés importantes et le titre est héréditaire. En général, le statut des enfants du chef est caractérisé par l’immunité dont ils jouissent dans le groupement.

S’agissant des garçons, le chef n’avait pas le droit de mort sur eux même en cas d’adultère avec ses femmes ; il ne pouvait qu’ordonner qu’on les chasse du village après les avoir dépouillé de tout. Ils sont exempts des « plaidoiries sur tortues » et certaines ordalies. En dehors des règles coutumières que nul ne doit violer, ils ont toujours raison et ne peuvent être choisis comme serviteurs ; ils sont exclus des réquisitions de mains d’œuvre tout comme leur descendance mâle. Quant à la fille du chef, elle ne peut être vendue quel que soit la faute commise ; elle ne peut qu’être vendue à son père. Jusqu’à son mariage, elle est placée sous la surveillance d’un « Tsofo » ou serviteur. Quel que soit le cours de sa vie, elle ne peut être une célibataire, le chef lui trouvera toujours un mari, même contre sa volonté.

Les filles et les fils du chef ne quittent pratiquement jamais la famille ; les premières femmes ou d’autres épouses des fils du chef sont données par ce dernier. Il exerce la puissance paternelle sur les enfants issus de ces mariages car tous ces enfants lui appartiennent. Le chef tire d’eux, tous les avantages qu’’un père peut tirer du mariage de ses propres enfants.

De même les cadeaux versés pour sa fille, ne sont pas considérés comme une dot, ce qui permet au chef de pouvoir toujours la revendiquer. Les premières filles issues de tels mariages appartiennent au chef et sont considérées comme ses filles.

C’est lui par conséquent qui les donne en mariage ; ses fils ont leurs associations particulière (ngnie) qui regroupe également leur descendance mâle et tient ses assises à la chefferie. Ils ont les membres d’autres sociétés traditionnelles, mais doivent au préalable s’acquitter des droits d’entrée.

Ø Les femmes du chef

Elles font l’objet d’un grand respect ; par exemple : on ne s’assoit pas sur le lit avec la femme du chef, ni sur son tabouret. Lorsqu’on la croise sur son chemin, on lui cède la voie sans la toucher, ni la regarder de face. Elles ont le droit de payer une dot au père d’une jeune fille, choisie par elles comme épouse d’un de leurs fils avant de soumettre le projet au chef qui ne fait qu’entériner. Le revers de la médaille, c’est qu’elles encourent des peines graves en cas de fautes. Exemple : en cas d’adultère, elles sont purement et simplement renvoyées du village.

De toutes les femmes du chef, quatre sont liés à son règne, et quittent automatiquement la chefferie à sa mort : (en prenant l’exemple de Batoufam, il s’agit de)

· Mehewe-guep : 1ère épouse ; elle commande le grand quartier de femmes

· Djuikam : 2ème épouse qui commande le petit quartier de femmes

· Mekouokam : elle seconde mehewe-guep au grand quartier de femmes

· Mebekam : elle seconde djuikam au petit quartier de femmes

B-ORGANISATION SOCIO-ECONOMIQUE

Avant l’arrivée des Européens, n’importe quel village Bamiléké avait la possibilité et le loisir de faire du commerce. Les échanges étaient en effet les seuls moyens de se procurer les biens qu’on ne produisait pas. L’économie était dominée par le commerce et l’agriculture, deux domaines très étroitement liés.

1. LE COMMERCE

Bien que les chefs de village, les grands notables, et leurs épouses ne se livraient pas directement (personnellement) aux activités sociales (à cause du prestige de leur rang social), c’est pour eux que s’effectuaient les échanges les plus rémunérateurs comme les ventes d’objets de valeurs tels que les peaux de fauve, le batik, les costumes de danse, l’ivoire, les sièges sculptés, etc. Dans les chefferies, les serviteurs dévoués faisaient le commerce pour le compte. Quant aux notables, ils faisaient appel à des proches ou à des « garçons de marché » appelés « nsepnta » pour écouler les marchandises qu’ils voulaient vendre. En tant qu’intermédiaires, ils venaient périodiquement faire un rapport de leurs activités et remettre leurs gains ou des objets d’échanges sollicités. En contrepartie, après un certain temps, ils pouvaient recevoir en titre de gratification par leur maître soit une femme, soit une petite fortune pour continuer à leur propre compte ; les jeunes recevaient généralement des terres où ils s’installaient.

M. Sourmies, dans son mémoire sur l’émigration Bamiléké dans le Mungo, déclare : «…le Bamiléké est un commerçant né. Dans son pays, il commence à fréquenter le marché, empaqueté sur le dos de sa mère. Il y revient plus tard pour vendre des poulets, des cochons et, c’est tout juste s’il n’y meurt pas »[8]. C’est dire que les Bamiléké ont appris très tôt à commercer, principalement parce que le commerce une activité capitale pour eux à cause de la pénurie des terres de cultures qui touchait nombre de leurs localités.

La place du marché : L’analyse de la carte de M. Moisel de 1912[9] révèle la présence dans de nombreux villages Bamiléké, de plusieurs sites de marché. Ex : 3 à Bazou et Bandjoun, 2 à Balengou et à Bana, etc. Cette présence notoire se justifie par le souci d’autonomie des quartiers des localités, l’importance démographique de certains quartiers, mais aussi la volonté des Bamiléké à être proches des zones d’échanges.

Avant l’implantation européenne, la chefferie était le seul endroit de rassemblement de la population (forte densité de la population). Les marchés des chefferies se tenaient sur la grande place où se pratiquaient habituellement les grandes coutumières. Cette place est généralement précédée d’une porte monumentale avec un toit couvert de paille. Le fait que la chefferie soit proche des marchés était une garantie de sécurité, car les serviteurs qui surveillent la chefferie pouvaient intervenir sur le marché pour assurer la police. Le marché est un espace organisé avec ses institutions et ses règles, que chacun des intervenants, vendeurs, artisans, etc., maîtrisent et appliquent selon un ordre irréversible et permanent. Le marché commence au lever du soleil, vers 6 heures du matin. Vers midi, il commence à se décanter, et se vide habituellement vers 3 heures de l’après-midi. Les marchés Bamiléké sont un cadre où l’on découvre les ressources, les goûts, le mode de vie et le tempérament de la population, bref la vie profonde du pays. En effet, les hommes et les femmes s’en vont au marché pour prendre des nouvelles, se retrouver, parler entre eux. Comme exemples d’anciens pôles de commerce importants en région Bamiléké, nous avons les marchés de Bandounga, et de Bazou au Sud-Est de la région, le pôle Fopuvanga, Fotsinga, Fondjanti, Bakoudji et Bakou au Sud-Ouest, etc.


Jean Aimé GANTY,

Bamileke Association of Columbus ABC


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