Lutte contre le tribalisme: Honoré Demenou fait des propositions pertinentes

  • Ajouter le 10/09/19
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  • Rédigé Par MenouActu    


Une réflexion menée par cet intellectuel de haut niveau fait des suggestions pour endiguer ce phénomène néfaste à la cohésion nationale.


10 attitudes pour lutter contre le tribalisme La saine observation, l’écoute et la lecture attentives des discours et vidéos dans les réseaux sociaux, sur les plateaux de télévision et d’autres supports médiatiques, nous renvoient directement dans un univers où se côtoient toutes sortent d’atrocités langagières qui entretiennent et exacerbent le tribalisme dans notre pays. Malgré ces dérives issues d’une autre époque et portées par quelques individus, toutes les composantes de ce pays l’aiment profondément et ne veulent qu’une chose, y vivre ensemble dans la paix, la fraternité et la concorde. Malheureusement beaucoup d’entre nous ne se sont pas véritablement posés la question de savoir quelle était leur propre contribution à la promotion ou à la détérioration de notre vivre ensemble. Or, inconsciemment beaucoup de camerounais sont des relais voire des amplificateurs passifs de cette déferlante de haine, certains mettant même, consciemment ou inconsciemment, de l’huile sur le feu en prétendant la combattre. On peut se réjouir que le corps social a pris conscience que cette situation est en train de mettre en péril notre survie collective en tant que nation et engage des actions sensibilisation et de promotion sur la paix et le vivre ensemble. Les pouvoirs publics, les chefs traditionnels, les partis politiques, la société civile sont engagés dans cette dynamique. Sur la toile et sur les médias, le ton reste haut et la violence verbale banale. Il faut craindre que le travail des pouvoirs publics et de la société civile pour enrayer ce fléau sera vain, si chaque camerounais ne s’y implique pas personnellement une fois qu’il prend conscience de la gravité de la situation. Cette réflexion est une modeste contribution qui vise à donner à tout un chacun des moyens simples de mobiliser s’impliquer individuellement pour le retour à la sérénité. 

1 Ignorer les insultes La mobilisation de la haine passe souvent par l’insulte qui déclenche la colère, l’indignation et entretient le rejet de l’autre en jouant sur nos émotions. Ignorer l’insulte, l’invective et le dénigrement est un moyen simple de retirer aux promoteurs de la haine leur arme la plus puissante. Ne répondons jamais à l'insulte par l'insulte. Quel que soit leur comportement, les camerounais méritent de la considération. L'insulte caractérise la faiblesse intellectuelle, le manque d'arguments. N’y cédons pas.

 2 Dominer nos émotions Nos émotions nous dictent plus souvent qu’on ne le croit notre comportement. Quand on est attaqué, frustré ou humilié du fait de notre appartenance ethnique ou à tout autre groupe social parfaitement identifiable, ne nous laissons pas aller à nos émotions. Donnons-nous quelques instants de réflexion avant de répondre ou d’agir. Maîtrisons-nous et essayons de rester calme.

 3 Être maitre de nos pensées Aucun individu, fut-ce-t-il chef traditionnel ou responsable politique, ne peut engager sans mandat sa tribu ou une communauté à laquelle il appartient sans en avoir reçu un mandat formel. Ceux qui tiennent des discours tribalistes parlent en leur propre nom. Ils ne peuvent pas produire le mandat qui leur donne le droit d'engager les autres dans leurs positions. On ne devrait pas épouser les positions tribalistes de quiconque au motif qu’il est une autorité ou un membre d’une communauté, d’une tribu ou d’une association à laquelle on appartient. 

4 Savoir que la vérité n’est pas relative La vérité ne change pas avec la personne qui l'énonce. Quel que soit le niveau hiérarchique de l'autorité. Que cette dernière soit scientifique, religieuse, judiciaire, militaire ou politique. Nul ne peut changer la valeur de vérité d'un fait. Ce qui est vrai est vrai même si c'est le diable qui l'énoncé, ce qui est faux est faux, même si ça sort de la bouche de Dieu lui-même. La vérité ne change pas non plus ni avec le lieu et ni avec l’espace.

 5 S’interroger sur les méfaits de la violence Il nous arrive de ne pas maîtriser nos émotions face aux dérives tribales. Alors nous versons dans la violence verbale, psychologique et même physique. Quand vous aurez retrouvé votre calme, n’oublier pas de faire le bilan des gains et de pertes de votre attitude. Pensez aux violences qui peuvent découler de la réponse de l’autre. Pensez que vous aurez pu être l’étincelle qui allume la mèche d’un affrontement tribal et prenez la résolution de ne pas se faire justice et de rechercher les voies légales pour résoudre les problèmes.

 6 Chercher à connaitre l’autre La diversité est une richesse. Cherche à connaitre l’autre. Quand on fait attention à l’autre, on s’enrichit de sa propre culture de la sienne. Quand tu l’auras connu, la tribu disparaitra derrière l’homme et tu verras les espaces de rapprochement ou de convergence sont infiniment plus nombreux que ce qui vous sépare. 

7 Accepter la contradiction La contradiction est le moteur de l'évolution des mentalités, des cultures et de la science. Penser différemment n’a rien à voir avec la tribu. L’approche de la vérité étant multiforme, la contradiction contribue à mieux rechercher cette vérité. Celui qui ne pense pas comme toi t'enrichie dans le renforcement de ta connaissance en relevant ses faiblesses tant au regard de la découverte du mieux ou de la vérité. Donc ton contradicteur n'est pas ton ennemi, au contraire, si tu veux t'améliorer, si tu es préoccupé par le mieux-être pour tous, considère-le comme une torche qui éclaire ton chemin vers le mieux être C'est pour ces raisons que celui qui ne pense pas comme vous ne doit pas être considéré et ne doit pas se considérer comme un ennemi, mais comme un partenaire qui constitue l'un des moyens de mettre la lumière sur les matériaux que nous voulons utiliser pour bâtir notre maison commune. Ici, le seul combat doit être celui des arguments, pas celui des chefs, des chapelles, des communautés, des tribus, des idéologies

 8 Être logique et critique La logique et l’esprit critique nous permettent d’abandonner les sentiments et les émotions pour adopter les règles d’un raisonnement basé sur les faits vérifiés et pouvant servir d’argumentaire puisant la force de persuasion dans la science, le droit, ou la morale. Adopter la logique et l’esprit critique c’est refuser les affirmations gratuites, les faux raisonnements qui généralement cherchent à défendre l’indéfendable et qui contredisent les valeurs acceptées par la société. Adopter une démarche basée sur la logique et une pensée critique dans l’appréciation du flot d’informations qui nous inondent, nous permettra d’éviter les généralisations hâtives du genre « comme un tel est tribaliste alors c’est tout son village qui est tribaliste. 

9 Éliminer les stéréotypes de notre langage Dans notre vivre ensemble nous avons pris l'habitude d'interpeller gentiment nos amis et nos collègues par des stéréotypes qui font référence à certains aspects plus ou moins caractéristiques de leur tribu ou de leur communauté. Les dérives tribales que l’on constate actuellement nous commande d'arrêter ces pratiques, qui jusqu'alors ne véhiculaient aucun caractère stigmatisant.Toi qui interpelais gentiment to ami « wadjo », « bami », « anglo », « kwa » etc, ne le fais plus. Il comprendra que c'est dans vos habitudes, mais son voisin ou un passant qui ne connait pas vos us le prendra mal. Ceux qui dans les services publics ou privés usent de ces stéréotypes pour s’adresser aux usagers et aux clients doivent savoir que leur contribution à la détérioration du vivre ensemble et la prolifération de la haine tribale est tout simplement énorme.

 10 Partager responsable sur les réseaux sociaux Les réseaux sociaux ont fait de chaque possesseur de smartphone un amplificateur de la diffusion de l'information y compris donc celle à caractère tribal. Partager ce genre d’information fait nous un relai amplificateur du tribalisme. J’exhorte ceux qui auront lu ce papier de garder à l’esprit de mettre en pratique ces suggestions. Chacun de nous qui refuse consciemment d’être un vecteur du tribalisme, brise du coup une des branches de l’arbre qui est en train de pousser. Plus nous sommes nombreux à le faire, plus l’arbre du tribalisme va sécher et mourir.

 Yaoundé, le 17.08.19 

Honoré DEMENOU TAPAMO Ingénieur Electromécanicien MBA / UQAM.

 hdemenou@gmail.com

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